Mme la Conseillère BURRICAND : Monsieur le Président et chers collègues, nous abordons avec ces trois délibérations, au-delà des aspects techniques et chiffrés, une question politique essentielle, un scandale public de banques décidant de faire de l’argent avec les collectivités locales, c’est-à-dire avec les contribuables qui sont toujours les payeurs. Scandale car ces banques sont coupables de ne pas avoir suffisamment alerté les collectivités sur les risques liés aux emprunts toxiques ; scandale car trois des banques les plus impliquées dans cette affaire (la franco-belge Dexia, la britannique RBS et l’allemande Depfa) ont été sauvées par leurs États, une solidarité payée de nouveau par les contribuables et une solidarité qui ne s’exerce pas quand les entreprises disparaissent, les entreprises de notre patrimoine industriel. On n’aide finalement que les riches.
Il est certain, monsieur le Président, qu’avant le mariage avec le Conseil général, le Grand Lyon n’avait pas souscrit de prêt toxique et nous vous félicitons de cette vigilance que tous les élus n’ont pas eue, il faut bien le dire.
Il n’empêche aussi que vous avez accepté la fusion-absorption, plus que la fusion-mutualisation Métropole-Conseil général, en toute connaissance de ces prêts toxiques souscrits par le Conseil général ; et nous sommes particulièrement interrogatifs sur le contrat MPH 502635 souscrit en février 2012 par Michel Mercier, repris par la Métropole, souscrit donc à un moment où la perspective de rapprochement des deux collectivités commençait à poindre. Avez-vous, monsieur le Président, été informé de cet emprunt et de ces conditions à l’époque où il a été souscrit ? Cela paraît particulièrement scandaleux. Quelle que soit votre réponse -et nous aimerions autant qu’elle soit négative-, tout cela, monsieur le Président, alerte sur le manque de transparence des décisions. C’est pourquoi nous soutenons les efforts faits par de nombreux militants associatifs pour un audit citoyen de la dette publique.
Même si monsieur Brumm nous dit aujourd’hui n’avoir rien tranché, avec ces trois délibérations, vous nous demandez l’autorisation de racheter ces prêts pour les renégocier, de passer des conventions respectivement avec les établissements prêteurs des emprunts structurés pour éteindre tout contentieux actuel et à venir et avec l’État pour fixer les modalités de l’aide dont nous bénéficierons par le fonds de soutien créé pour venir en aide aux collectivités, en échange de l’arrêt des procédures judiciaires.
Tout d’abord, monsieur le Président, nous contestons l’abandon des poursuites contre les banques mal prêteuses. Quand nos concitoyens se laissent si facilement prendre au « Tous pourris ! », aux « On nous cache tout, on nous dit rien ! », « C’est toujours les mêmes qui paient pour les autres ! » – et là, en l’occurrence, les autres sont très gros-, une telle décision nous semble contre-productive quant au sens de l’action politique. L’argument avancé des chances trop faibles de gagner en contentieux du fait de la loi de juillet 2014 nous semble forcé au regard des récents succès de collectivités locales, comme la Ville de Saint Cast-Le Guildo contre Dexia en juin 2015 ou celle de Laval contre Defpa en janvier 2016. Et nous rappelons, sur la question des sommes à payer, que plusieurs collectivités, durant la procédure, ont fait le choix de suspendre leurs remboursements aux banques, ne les gardant évidemment pas dans leur escarcelle mais les mettant sur un compte bloqué.
Nous sommes bien sûr, monsieur le Président, comptables des deniers publics et vous pouvez me répondre que « Un bon accord vaut mieux qu’un mauvais procès ! ». Mais rien ne dit que le procès serait mauvais et que l’accord est bon ! Car côté prêteur, pour la CAFFIL, il s’agit de consentir à faire ce pour quoi elle a été créée : prêter de l’argent à une collectivité sans s’enrichir ; c’est la moindre des choses ! Quant à la SFIL et Dexia, elles acceptent de renoncer à toute action litigieuse, en échange de l’abandon des poursuites judiciaires et contentieux de la collectivité. Nous ne sommes pas certains d’être dans le gagnant-gagnant, monsieur le Président.
Quant à la convention avec l’État, son contenu précis reste à finaliser et vous nous demandez finalement un blanc-seing qu’il nous semble difficile d’accepter, non que nous remettions en cause votre honnêteté et celle des services mais parce que l’expérience prouve que l’opacité et le non-partage des décisions est dangereux.
Cette délibération, de plus, ne nous dit pas à combien pourraient se monter les indemnités de remboursement anticipé sur les trois prêts cités et nous souhaiterions des précisions sur ce chiffre. Un calcul à partir des plafonds de prises en charge de l’IRA indiquerait un plafond de 428 M€ pour ces trois prêts et les deux collectivités, dont 200 pourraient rester à la charge des deux collectivités ; 400 M€ à mettre en rapport avec les frais financiers pour l’année 2015 ou avec quinze années d’investissements dans les collèges !
Et si le fonds d’aide est largement financé par l’État, au final, ce sont les citoyens qui vont payer au travers des impôts locaux et nationaux, tandis que les banques recevront des indemnités compensatrices très élevées et ne supporteront aucune condamnation judiciaire.
C’est pourquoi, monsieur le Président, fidèles à notre position d’origine, celle qui souhaitait que les collectivités aillent en action judiciaire, nous ne voterons pas ces trois délibérations.
M. LE PRÉSIDENT : Quelques mots pour répondre à madame Burricand.
Elle a fait remarquer -et je l’en remercie- que la Communauté urbaine n’avait jamais souscrit d’emprunt toxique, ce qui montre que nous avions fait preuve, à l’époque, de beaucoup de perspicacité dans la mesure où beaucoup de collectivités locales qui étaient démarchées ont souscrit à ces emprunts.
Par rapport à ce que vous nous dites, à savoir qu’un certain nombre de Communes ont obtenu des jugements qui étaient favorables, les exemples que vous avez cités étaient des exemples de petites collectivités. Or, vous savez que le juge, ce qu’il regarde, c’est s’il y a on va dire- une proportionnalité de la connaissance. Est-ce que telle collectivité locale avait des services assez importants pour comprendre les emprunts qu’elle souscrivait ? Si c’est une collectivité de 4 000 habitants, le juge va dire : « Ils se sont faits avoir » mais dire effectivement qu’un des Conseils généraux les plus importants de France n’ait pas eu la capacité à analyser l’emprunt, cela le juge n’en est pas sûr et, effectivement, il considère qu’il y a eu une disproportion entre le prêteur et l’emprunteur. C’est pour cela que nous vous demandons de pouvoir choisir, le moment venu et, en fonction du meilleur intérêt de la collectivité locale, soit la voie contentieuse, soit la voie de la transaction.
Vous m’avez demandé ensuite : « Est-ce que l’on pouvait prévoir ? ». Je vous rappelle que le problème est devenu extrêmement aigu à partir du jour -et c’était le 15 janvier 2015, c’est-à-dire après que nous avions constitué la Métropole de Lyon- que la Suisse a décidé de ne plus maintenir la parité de sa monnaie et, en l’espace d’un jour, on est passé de 1,20 à 1,02. Donc cela montre la dégringolade et qu’évidemment, personne ne pouvait prévoir quelle serait la décision du Gouvernement Suisse qui, pendant des années, avait maintenu sa monnaie à parité et qui, tout d’un coup, faisait en sorte qu’on laissait filer les choses.
D’ailleurs, vous savez que cela pose des problèmes à un certain nombre d’entreprises suisses exportatrices puisque aujourd’hui, évidemment, la monnaie est extrêmement élevée. Vous avez vu peut-être les articles qui sont parus sur les montres suisses mais je peux dire que, sur la chimie et la pharmacie par exemple, cela leur pose aussi le même type de problème.
Or, chers collègues, je vais vous demander de bien vouloir voter les trois délibérations : la première délibération qui concerne le montant global dimensionné par rapport à la dette en disant qu’il faut que ce qui peut être obtenu du fonds de garantie nous permette de négocier dans des taux raisonnables ; ensuite, la deuxième délibération qui concerne une négociation avec la SFIL et la troisième délibération qui concerne une convention avec le fonds de soutien.