M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président et chers collègues, le Pacte de cohérence métropolitain est prévu par un court article de la loi MAPTAM, avec comme seul objet l’organisation des délégations de compétences entre Communes et Métropole. Cette loi fait partie d’une longue suite de réformes de cette France qu’on disait irréformable et que vos politiques publiques, Gauche et Droite confondues, ont profondément défigurée, jusqu’au choc du résultat électoral de dimanche, après celui de 2002 qui n’avait bien sûr rien changé. Ceux qui ont cru que le débat critique des politiques publiques allait s’ouvrir sont bien idéalistes.
Revenons à ce qui devait être un pacte, c’est-à-dire un accord large, sur les conditions d’une mise en œuvre partagée, quel que soit l’avis de chacun sur la loi. Ce n’est pas votre état d’esprit. L’introduction au contraire, si elle était adoptée, révélerait le non-dit historique de la loi. En affirmant que la Nation et la République se sont construites contre les Villes, elle fait sciemment le choix de confondre les Villes et leurs seigneurs car c’est au contraire le 14 décembre 1789 -et nous aurions pu tenir notre séance au jour anniversaire- que l’Assemblée nationale naissante allait consolider un vieux mouvement d’autonomie communale en votant la première loi créant les Communes.
Car si la prise de conscience nationale du peuple Français, dont « l’armée des savetiers et des avocats » terrassa à Valmy l’armée professionnelle des rois européens, s’exprima au cri de « Vive la Nation ! », ce mouvement universaliste était inscrit dans l’histoire séculaire de la construction nationale et communale. Les Capétiens centralisateurs avaient unifié peu à peu le territoire contre l’Empire et l’émiettement féodal, en s’appuyant sur la langue française et sur les bourgeoisies urbaines et rurales pour tenir en laisse les grands féodaux et leurs appuis étrangers.
À Bouvines, en 1214, où Philippe-Auguste affrontait l’Angleterre, l’Empire germanique, les Flandres et de grands féodaux français, c’est l’alliance du roi parisien et des milices communales bourgeoises qui sauveront la France capétienne au cri de « Commune, Commune ! ». C’est pourquoi les progressistes devraient reprendre Jeanne d’Arc aux fascistes, elle qui a favorisé l’émergence d’une guérilla de partisans contre l’occupant, quand c’est l’Église qui l’a envoyée au bûcher.
Oui, la Nation et les Communes se sont construites contre les guerres, les occupations et les seigneuries et contre les Églises. Voilà la leçon de l’histoire que trahit votre introduction.
Dès le 14 juillet 1789, après la prise de la Bastille, une Commune de Paris fut mise en place pour remplacer l’ancienne organisation datant du Moyen Âge. Plusieurs autres villes suivirent rapidement cet exemple.
Le 11 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante décrète qu’il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne. Le 14 décembre 1789, la Constituante votait une loi créant les municipalités ou Communes, désignées comme la plus petite division administrative en France, à la place des cités, bourgades, communautés, paroisses, officialisant le mouvement d’autonomie communale révolutionnaire.
Le 14 octobre 1793, 10 brumaire de l’an II, le terme « Commune » fut imposé par un décret de la Convention nationale déclarant : « Toutes les dénominations de ville, bourg ou village sont supprimées et celle de Commune leur est substituée ».
Et ce mouvement fut révélateur dans toute l’histoire républicaine avec, à chaque période réactionnaire, des restrictions mises à l’autonomie communale, Napoléon comme Vichy imposant la désignation des Maires alors que c’est le souffle révolutionnaire du mouvement ouvrier s’affirmant qui allait faire de la Commune de Paris un signal universel.
Jean Jaurès disait : « En ce qui touche l’origine du pouvoir municipal, tout ce qui reste de pouvoir féodal ou corporatif est aboli. Ni les seigneurs, ni les évêques, ni les chefs de corporation ne peuvent plus désigner les officiers municipaux ou assister de droit aux assemblées municipales. L’oligarchie bourgeoise municipale est supprimée aussi. Les institutions traditionnelles comme la Jurade de Bordeaux, le Consulat de Lyon disparaissent ».
Oui, la création des Communes est une décision révolutionnaire intimement liée à la construction nationale, à la construction républicaine. Notez que la loi de 1789 prévoyait déjà le non-cumul des mandats et le droit d’initiative citoyenne. Je vous invite à la relire, c’est instructif sur nos débats d’aujourd’hui.
Autrement dit, quand votre introduction parle des Villes, monsieur le Président, vous effacez sciemment les Communes, leur contenu progressiste, républicain, démocratique. Vous parlez en fait des puissances économiques et de leurs besoins géographiques, des nouvelles féodalités de ce capitalisme mondialisé, d’une société où 1 % possède la moitié des ressources, 10 % en possèdent 86 % et 50 % sont des laissés-pour-compte, ratio d’inégalités qui correspond à ce qu’imposait la noblesse au Moyen Âge.
La victoire des Métropoles contre la Nation et la République que cette introduction célèbre est une des conséquences de cette mondialisation capitaliste qui détruit partout, au sud comme au nord, des Nations et des États construits depuis des siècles. C’est le retour d’un nouveau Moyen Âge : les oligarchies économiques comme nouvelle noblesse. Mais cette mondialisation, au cœur de cette concentration économique dans les Métropoles et les multinationales, répand aussi les mafias et les guerres. Et nous en connaissons une conséquence terrible : les violences religieuses, les bandes fascistes qui en sont le symptôme.
Nous restons étonnés que tant d’élus acceptent, explicitement ou implicitement, cette lecture mensongère de la République et de la mondialisation et nous avons proposé, par nos amendements, de revenir au seul objet du pacte défini par la loi et de supprimer toute réécriture de l’histoire qui ne peut être que partisane.
Nous avons proposé aussi de supprimer tout discours sur les valeurs, qui ferait croire à un caractère constituant de ce pacte. En quoi ces valeurs, nos valeurs, seraient-elles différentes des valeurs de notre Déclaration des droits de l’homme, que vos rédacteurs ont oubliée ?
Un pacte ne peut se faire qu’avec l’ensemble des Communes, sinon ce sera un oukase !
Nos amendements qui conservent l’essentiel de votre texte, en dehors de l’introduction, sont simples : dire clairement que les compétences de la Métropole sont organisées avec les Communes, pas seulement au plan technique dans la territorialisation ou la mutualisation mais aussi dans la reconnaissance des Communes, comme des collectivités partenaires de la Métropole et donc des Conseils municipaux qui délibèrent. Monsieur Renaud George, vous l’avez écrit sur la diapositive mais cette phrase n’est pas dans le pacte ! Le seul article totalement réécrit dans nos amendements est celui qui concerne les Conseils municipaux qui est inacceptable, les réduisant à un rôle de service après-vente de politiques métropolitaines.
Nous demandons aussi que les mutualisations entre Communes puissent prendre des formes diverses, y compris la forme du syndicat intercommunal -que nous avons conservé pour le SigerLy- et qui peut être un choix utile pour gérer un équipement, des lieux, des ressources techniques.
C’est le sens de tous nos amendements, tenant compte des contributions de tous les groupes politiques, cherchant à permettre le vote le plus large possible pour réussir la Métropole avec les Communes -et vous avez noté que c’était une proposition simple d’amendement du titre : « Réussir la Métropole avec les Communes »-, des amendements qui ne reviennent pas sur le débat politique tranché avec la loi mais qui affirment la place des Communes, du Maire, des Conseils municipaux dans la vie métropolitaine.
Nous vous les avons transmis il y a plus de trois semaines en alertant, notamment dans la Commission Métropole, sur la nécessité de connaître rapidement la procédure retenue pour valider certains amendements.
Alors, si je reconnais la quantité de travail réalisée, permettez-moi de ne pas partager les commentaires laudateurs sur le travail piloté par monsieur Renaud George. Nous votons aujourd’hui les amendements dans des conditions tout à fait détestables. Car nous pensons cependant que le pacte ainsi amendé, au moins par quelques-uns de nos amendements critiques, pourrait permettre de construire une Métropole avec les Communes. Nous étions prêts et nous constatons malheureusement que ce n’est pas votre choix.
Je vous remercie.