L’urbanisme est un enjeu démocratique, pas un produit de spéculation financière !

2024-2596 - Modification n° 4 du Plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la Métropole de Lyon -

M. le Conseiller R. Debû : Monsieur le Président, madame la Vice-Présidente, chers collègues, la modification n°4 s’inscrit dans la lignée des modifications précédentes et, bien évidemment, dans le sens des orientations du futur SCoT, que nous aurions dû arrêter la semaine dernière.

Ces orientations, en cohérence avec la loi ZAN, cherchent fondamentalement à limiter la consommation foncière, c’est-à-dire l’étalement urbain, par le biais d’une approche plus qualitative et plus efficace.

Il s’agit de construire la ville sur la ville, en veillant à renforcer l’offre de logement abordable, notamment dans les secteurs les mieux dessertis en transports en commun, à préserver des activités productrices en ville et, évidemment, à limiter l’artificialisation des sols, à préserver les ressources naturelles, et singulièrement l’eau, pour ne citer que quelques exemples.

Cette orientation ne pose pas tant l’épineuse question de la densification urbaine -notre agglomération est attractive et, donc, gagne en population- mais, plutôt, des seuils de densification socialement acceptables, suivant les différents secteurs.

Paradoxalement, mais sans surprise, ce sont les secteurs les moins densément urbanisés -donc ceux où le potentiel est le plus important- qui offrent le plus de résistance à cette idée. On peut formuler les choses un peu différemment… le taux d’acceptation de densification est inversement proportionnel au revenu des ménages des secteurs concernés… De là à dire que c’est une question de classe, il y a un pas… que je franchis allégrement !

La traduction physique de cet état de fait est bien connue, avec une opposition entre l’ouest (et le nord), bourgeois et pavillonnaire, et l’est (et le sud) des grands ensembles populaires. En vérité, sur ce plan là, rien n’a bien changé depuis la révolution industrielle… sauf peut-être, justement, la désindustrialisation du pays auquel nous n’échappons pas…

Et pourtant, entre le défi de l’adaptation climatique, l’impérieuse nécessité de justice sociale et, donc, du développement du parc social, de la nécessité de conserver l’activité productrice en ville ainsi que les enjeux de mobilité, tout nous incite à révolutionner notre vision de ville.

Plus que cela, il nous faut renouer avec de véritables politiques d’aménagement du territoire et jeter aux orties les concepts mortifères de l’attractivité et de la concurrence entre les territoires. Ce n’est pas au marché de dessiner la ville, mais aux citoyennes et citoyens qui la font vivre.  L’urbanisme est un enjeu démocratique, pas un produit de spéculation financière.

L’avenir est, assurément, aux logiques collectives, depuis le niveau du SCoT à celui de l’usage des nouvelles unités d’habitation et de production.  Est appelée à se développer la mise en commun d’espaces de vie… comme les buanderies collectives ou des locaux et des chambres d’amis partagés au niveau d’un immeuble (comme cela peut exister dans d’autres pays européens), mais aussi la collocation ou cohabitation intergénérationnelle, pour ne citer que quelques exemples…

On doit, évidemment, interroger le régime de la propriété foncière, tant la spéculation foncière est profondément antisociale et antiécologique. Il faut se rendre à l’évidence que le renchérissement des prix -dû aux logiques de spéculation capitaliste- constitue le principal frein au développement d’un urbanisme socialement juste et écologiquement soutenable, au profit de toutes et de tous.

Ainsi, nous faut-il explorer les expériences de « propriété collective », comme le BRS, qui, en dissociant propriété des sols et propriété du logement, limite la pression foncière.

Les coopératives d’habitants sont également une piste, comme le village vertical à Villeurbanne ou, à une toute autre échelle, la « coopérative d’habitation » de Zurich, qui possède aujourd’hui 1/3 du parc de logement de la capitale économique helvète. En acquérant des parts sociales au sein de la coopérative, les futurs habitants participent activement à l’investissement et aux décisions nécessaires à toute opération immobilière. Cette forme de gouvernance basée sur la démocratie directe, la solidarité et la durabilité favorise aussi la promotion de logements abordables sans recourir aux logiques de subventions traditionnelles.

Mais c’est, bien sûr, à travers la massification du logement social que nous pouvons apporter des solutions concrètes, justes et socialement utiles à la population. C’est l’outil par lequel le droit au logement trouvera son effectivité réelle. C’est aussi un puissant outil de maîtrise des prix du foncier, que l’on songe à des villes comme Vienne, la capitale autrichienne.

L’élaboration de nos documents d’urbanisme structurants, que ce soient le PLU-H ou le SCoT, se caractérise par une méthode, elle aussi très collective. Bien que notre majorité ne fasse pas mystère de ses priorités, l’élaboration des documents se fait dans un dialogue, un va-et-vient soutenu entre tous les acteurs concernés -et ils sont nombreux… techniciens de nos collectivités, du Sepal ou de l’Agence d’urbanisme -dont je veux saluer la grande qualité du travail-, élus, acteurs économiques, habitants, associations, … tous participent à la définition de la ville de demain…

Et c’est heureux, car c’est un domaine particulièrement réglementé impliquant un très grand nombre de dimensions : bailleurs sociaux et promoteurs privés bien sûr, mais il est aussi question de mobilité, commerce, industrie, logistique, patrimoine historique, zones naturelles et agricoles, ressources en eaux, sécurité, enseignement, culture et loisir. Bref, la vie quoi !

Et parce que nous avons passé plus de 3 ans à plancher sur ces sujets, dans le cadre de la préparation du SCoT, je voudrais dire ma colère de voir ce travail bloqué par les élus de droites, sur une vague promesse de détricotage de la loi ZAN d’un gouvernement renversé…

Je vous le dis en vérité, en voulant voter contre le nouveau SCoT de l’agglomération lyonnaise, vous vous inscrivez à contre-courant de l’Histoire. Parce que, dans une France à +2, +3 degrés, vos petits calculs, pour satisfaire votre petit confort bourgeois, paraîtront bien dérisoires et complètement à côté des enjeux.

Nous, nous voterons bien évidement cette délibération.

Je vous remercie.

La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/NlwjM_m2Nx8?t=1468

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