Mme la Conseillère BURRICAND : Monsieur le Président, chers collègues, alors que nous abordons cette délibération, je voudrais rappeler combien le contexte politique national pèse sur notre discussion, notamment la loi Asile et immigration qui est identifiée très largement comme une loi qui affaiblit les droits et garanties des étrangers, accentue la mise sous contrôle et la difficulté à faire respecter leurs droits pour les demandeurs d’asile et nous éloigne un peu plus des valeurs de solidarité, de fraternité que la France devrait porter au regard de nos traditions républicaines comme du Droit international. Et cette loi pèse d’autant plus ici que son maître d’œuvre est le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, et que personne ne peut ignorer que ce qu’il dit là-haut c’est aussi ce qu’il a porté ici et que cela pèse aussi dans la situation et dans notre discussion.
Un mot sur le contexte international : ceux qui affrontent les risques pour leur vie, notamment en méditerranée, ceux qui affrontent l’avidité des passeurs, les nuits sans abri… ne le font pas par choix… ils le font parce que la guerre et la misère les poussent hors de leurs pays et que, bien souvent, ils ne peuvent pas faire autrement. La France ne joue pas, aujourd’hui, un rôle positif pour la Paix pas plus qu’elle ne tient sa place, à la hauteur de ses moyens, dans les actions de solidarité internationale, de co-développement, de coopération solidaire. Notre diplomatie a, d’ailleurs, beaucoup perdu de sa légitimité et de son autorité. Nous devons marcher sur nos deux pieds : bien accueillir, dans la dignité et la fraternité, et travailler au développement et à l’autonomie de tous les pays qui en ont besoin.
Nous avons pris connaissance de cette délibération avec impatience parce que nous savons que ça va mal, nous savons que c’est compliqué, nous savons que c’est beaucoup de souffrance humaine, que c’est aussi beaucoup de travail pour nos agents et nous avions l’espoir que cette délibération pourrait permettre de sortir de la situation indigne que nous constatons. Car la colère des associations est grande au regard des expulsions traumatisantes de familles, de jeunes, d’enfants, de lieux et de bâtiments métropolitains sans qu’aucune solution ne leur soit proposée. Les témoignages affluent entre inquiétude et solidarité devant ces jeunes, parfois si près de l’enfance, laissés dans la rue… errants… soumis à la précarité et à l’insécurité, car nous savons tous que la rue n’est pas sûre.
Chacun sait que le meilleur moyen d’empêcher l’occupation illicite de lieux et de bâtiments métropolitains, ce n’est pas les 1,8 millions dépensés pour les protéger mais c’est de mettre à disposition, dans la transparence et dans les décisions prises ensemble, des hébergements dignes en nombre suffisant.
Cette délibération nous laisse donc sur notre faim. D’abord, sur le fond, elle n’exprime pas de philosophie quant à l’accueil des mineurs étrangers et justifie l’ensemble de ce qui est dit par rapport à la conformité à la loi. Or, vous savez que des questions essentielles sont posées quant à l’instruction des dossiers : les partenaires médicaux, l’éthique médicale ; la présence de traducteurs quand le jeune est reçu ; le devenir, ensuite, de ces jeunes qui sont encore, pour beaucoup, des enfants mais aussi les moyens qui sont mis à leur disposition pour qu’ils puissent faire respecter leurs droits. Et nous sommes confrontés à cette contradiction : alors que tout devrait concourir à ce qu’on les protège, ce sont eux qui doivent faire la démonstration de ce à quoi ils ont droit.
Autrement dit, ces mineurs sont-ils suffisamment protégés ? Dans quel sens voulez-vous travailler ? Cette délibération ne répond en rien à toutes ces questions.
L’externalisation renouvelée pose question. Elle démontre, pour une part, l’affaiblissement des services publics et nous nous interrogeons sur les conditions qui pourraient permettre que le service public assume directement sa mission. Évidemment, dans la situation d’un Gouvernement qui annonce la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, dont 70 000 dans les collectivités locales, le fait de poursuivre dans l’externalisation interroge. Nous sommes attentifs à l’urgence qui pourrait justifier l’externalisation sauf que tous ceux qui interviennent auprès des publics concernés et, notamment les associations, sont unanimes à considérer que les propositions de cette délibération -même si elles sont en hausse par rapport à l’existant- sont insuffisantes pour répondre aux besoins et ne feront que reproduire la situation présente. Donc, on externalise et on ne répond pas pour autant aux besoins.
Enfin, j’ai entendu ce que disait notre collègue Gachet, monsieur le Président, mais, quand même, nous sommes interrogatifs. Nous arrivons au vote sur cette délibération sans que les différentes associations qui interviennent et qui, parfois, assument des responsabilités de solidarité que nous devrions assumer, ne soient convaincues, ne soient associées et considèrent que cette délibération ne fait pas le poids. C’est pourquoi, en l’état de la discussion, nous ne voterons pas cette délibération.