M. le Conseiller MILLET : Le rapport d’orientations budgétaires nous rappelle le constat terrible de tous les organismes internationaux, du GIEC aux Nations Unies : « Trop peu, trop lentement, l’échec de l’adaptation climatique met le monde en danger ». Mais permettez-nous de dire clairement que le danger n’est pas exogène à nos sociétés ! Ce n’est pas le contexte géopolitique qui bousculerait un monde qui serait, sinon, sur la bonne voie ! La crise sanitaire de 2020 avait déjà montré les difficultés de nos sociétés à nous protéger des risques. Depuis des décennies, tous les gouvernements successifs, les experts médiatiques, les économistes de renom, … tous justifiaient la casse des services publics, la mise en concurrence généralisée provoquant paupérisation et précarisation. Et un virus révèle à tous que la France ne sait plus produire, ne sait plus organiser, ne sait plus rassembler, … Ils nous promettaient une mondialisation heureuse justifiant la désindustrialisation de la France et, quand cette mondialisation est de plus en plus organisée par les pays du sud à leur profit, les mêmes organisent le grand basculement du retour de la souveraineté dans les discours et le renversement des politiques monétaires.
Ils ont creusé la dette encore plus pendant la crise sanitaire et ils continuent avec des plans de centaines de milliards au service des capitalistes de chaque pays, pendant que la FED, comme la BCE, annonce clairement leur guerre contre les salaires au nom de la guerre contre l’inflation -vous savez, cette terrible maladie qui fait si peur aux rentiers !
Nous partageons donc le terrible constat du rapport. Oui : « par l’adoption de comportements prédateurs ou par effets d’aubaine, les rentes de situation explosent partout en profitant de la crise et de l’absence de régulation des marchés, alors que les populations fragiles supportent l’essentiel des coûts et perdent un peu plus de leur solvabilité. » Mais si les tensions géopolitiques en sont un accélérateur, elles ne font que révéler à tous les réalités du monde d’avant !
L’accélération de la guerre en Ukraine intervient après 8 années de guerre au Donbass dans le silence de nos médias. L’ancienne dirigeante allemande, madame Merkel, révèle que l’Occident faisait traîner la mise en œuvre des accords de Minsk pour donner le temps à l’OTAN de mettre à niveau la puissance militaire ukrainienne afin de reprendre le Donbass.
La montée en puissance des dépenses militaires de l’OTAN est demandée par Trump dès le début de son mandat en 2017, après de multiples guerres menée par l’Occident sur toute la planète ou presque.
Pour les communistes, il n’y a pas de doute : Jaurès avait raison, le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée, l’orage ; et ce qui se joue aujourd’hui, avec le sang ukrainien et russe, est bien la mise en cause de la domination occidentale.
C’est pourquoi il ne peut y avoir de réponses aux alarmes du GIEC et de l’ONU sans rompre avec la domination du monde par le capitalisme, car il ne peut y avoir ni de réduction ni d’adaptation au changement climatique sans imposer la paix aux puissances de ce monde, sans mettre en cause la course à la guerre, sans libérer le développement de l’économie de guerre, sans orienter massivement les investissements vers la réponse aux besoins sociaux, la sortie de la pauvreté, au nord comme au sud.
Permettez-moi de faire écho au voyage récent de 15 communistes vénissians en Algérie, pour le 60ème anniversaire de son indépendance, à la rencontre des moudjahidine, des militants communistes et du débat très actuel et vif sur l’avenir de ce pays. Tous nos interlocuteurs, favorables ou pas au président Teboun, ont une autre lecture du monde que celle qui domine dans nos médias totalement intégrés dans l’effort militaire occidental de la guerre hors limites, alors même que les USA ont dû quitter l’Afghanistan et que la France a dû quitter le Mali, laissant le chaos derrière eux, comme en Libye ou en Syrie.
C’est dans ce contexte que nous pensons qu’il faut rompre avec le discours climatique de la loi de Transition de 2015 et de l’accord de Paris, ce que ne fait pas ce rapport qui continue, au contraire, à répéter le mensonge d’une France « mauvaise élève » au sein de l’Union.
Mais la France a le mix électrique le plus décarboné de l’UE avec la Suède : l’impact carbone d’un français est le plus bas de l’UE, deux fois plus faible qu’un allemand ! Ce que ne peut dire ce rapport, c’est l’échec des politiques dites de transition énergétique.
Ce n’est pas seulement la question des techniques et notamment du nucléaire, dont tous les français espèrent désormais le redémarrage complet, prenant conscience trop tard que l’arrêt de Fessenheim était un contresens climatique total. C’est la question fondamentale de l’objectif premier des politiques publiques, la rentabilité pour les actionnaires ou le développement durable pour les habitants ?
Or, nous sommes dans une gouvernance des apparences. On invente une nouvelle assemblée citoyenne pour occuper les temps de cerveaux disponibles pendant que l’État mobilise toujours les moyens publics en direction des mêmes, les premiers de cordées, et installe la méfiance envers les acteurs de terrain que sont les communes avec un contrat dit « de confiance », dont la dénomination est purement publicitaire, quand les collectivités locales ont perdu pratiquement toute autonomie fiscale !
C’est ce grand écart entre les actes et les discours au cœur de la crise démocratique qu’il nous faut dénoncer et qui doit effectivement nous conduire à un changement de paradigme, ce qu’annonce le rapport. Mais nous ne prenons pas sa pleine mesure en le centrant sur le seul enjeu climatique qui conduirait à renoncer au « paradigme mortifère d’un développement fondé sur une approche compétitive et non coopérative ». Ce que montre la situation mondiale, du coût carbone de la militarisation et des guerres à la relance du charbon, c’est qu’on ne peut changer de paradigme dans le cadre de la mondialisation capitaliste et de ses violences.
L’enjeu climatique n’est pas, d’abord un enjeu environnemental, mais d’abord un enjeu économique et social, un choix de société. Et c’est ce qui est insuffisamment souligné dans la partie II de ce rapport, qui devrait éclairer le rôle des inégalités dans la situation économique de la France et de la métropole, que les aides publiques massives de ces dernières années n’ont pas réduites. Car il y a des gagnants dans les crises ! On le voit dans l’évolution des DMTO plus favorables que prévues. Si la crise du mal-logement s’aggrave, l’écart entre les locataires et les propriétaires ne cesse de se creuser. L’épargne des ménages, en légère baisse après le record de 2020, reste à un niveau très élevé et il y a donc des acheteurs ! Agir pour le climat, c’est d’abord agir pour réduire les inégalités et, donc, agir pour garantir les droits de tous, au logement, à la mobilité, aux services publics.
Ce devrait être le premier enjeu de la fiscalité, mais le gouvernement poursuit dans l’aggravation des inégalités en transférant les impôts de production vers les ménages et la TVA, l’impôt le plus injuste puisque le premier décile des revenus a un taux d’imposition TVA plus élevé que le dernier décile !
Cela nous conduit à demander une nouvelle fois de réviser à la hausse les taux de CFE, quitte à mieux accompagner les entreprises en difficulté. Et parce que la situation financière de notre collectivité est solide, nous demandons que la dynamique économique se traduise par une augmentation des dépenses pour la mobilité, le logement, comme pour l’ensemble de nos politiques sociales.
Nous alertons, une nouvelle fois, notre conseil sur les urgences sociales et leurs conséquences politiques. Notre société qui se disait développée, modèle de démocratie et de culture, est dominée par des discours anxiogènes et des situations qui font penser au sous-développement. Des gens à la rue toujours plus nombreux, malgré les politiques publiques d’hébergement ; une économie parallèle de la débrouille pendant que la crise des recrutements perturbe de nombreuses activités, publiques comme privées, et le non-accès au droit, qui se révèle dès qu’on prend le temps d’aller vers les publics en difficulté. Si nos prévisions de RSA sont encore en légère baisse, nous savons que les situations de mal-logement sont en hausse : ce qu’on voit dans les rues, mais ce que voient aussi au quotidien nos travailleurs sociaux, comme les associations, comme tous les services de santé. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut des mesures nouvelles de renforcement de nos missions pour le logement, la solidarité, le handicap, les personnes âgées, la santé. Fixons-nous un objectif majeur : faire reculer dans l’agglomération la pauvreté et les précarités de manière significative dans les 10 ans.
C’est dans cet esprit que nous demandons aussi une inflexion dans nos priorités d’investissements au profit de nos services publics de première ligne, nos MDM et nos collèges en premier lieu. Le schéma directeur des collèges nous fixe un cap, mais les délais sont trop lointains ; il faut aller plus vite et nous en avons les moyens dans notre PPI.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/T_OXVU_LWxs?t=11701